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![]() © Photo Patricia Carles ![]() |
Si tous s'accordent à reconnaître
ici un rituel de purification, l'interprétation qu'ils
en donnent est très différente. Pour Paul Veyne,
ces trois femmes s'occupent à préparer l'eau du
"bain nuptial" L'eau du bain postnuptial était
transportée de la maison maternelle à celle du
mari. La matrone que nous voyons de dos, assise sur un tabouret,
serait donc la mère de la mariée. Elle serait en
train de parfumer l'eau du bain nuptial : elle prendrait des
brins de myrte dans la
corbeille Comme les poètes, qui avaient coutume d'évoquer les plaisirs de la nuit à travers l'image de ce bain rituel, le peintre de La Villa des Mystères se contenterait donc, selon Paul Veyne, d'une allusion symbolique à la sexualité. "Faire sa toilette" renvoyait en effet aux plaisirs de la nuit. Le Prométhée enchaîné d'Eschyle évoque déjà "le chant d'hyménée entonné autour du bain [...] des noces " que l'on retrouve chez Ovide ou, plus trivialement, chez Plaute : "la veux-tu vierge ou qui se soit déjà lavée ? " demande l'entremetteur qui propose une fille à un militaire dans le "Miles gloriosus". On est ici à mille lieux
de la signification mystique que d'autres auteurs accordent à
ce rituel de purification... Pour Gilles Sauron, la scène
réunit en réalité une prêtresse et
trois acolytes : la première tourne la tête à
droite et tient de la main gauche un
plateau d'offrandes Cette scène décrit littéralement, selon Gille Sauron, le rite de l'initiation des garçons aux mystères de Dionysos, la seule initiation où une prêtresse jouait le premier rôle. Après que l'on eut déversé sur le dos de l'initié les objets sacrés contenus dans le van mystique, l'officiante les rassemblait à nouveau pour les enfermer dans la ciste. C'est précisément ce que fait ici la Domina. Elle couvre de rameaux d'olivier le fond de la ciste mystique avant d'y rassembler les objets sacrés dont la vision était interdite aux profanes. Quelle est donc la signification
de ce rite ? Selon Gilles Sauron, la dispersion des objets sacrés
sur le dos de l'initié et leur réunion symbolise
la passion de Dionysos et les prémices de sa résurrection.
Comme on le sait en effet, Dionysos enfant avait été
démembré par les Titans : "il était
encore enfant et les Courètes l'entouraient en une danse
armée, écrit Clément d'Alexandrie,
quand les Titans s'insinuèrent là par ruse,
et, l'ayant trompé à l'aide de jouets enfantins,
le dépecèrent, tout bambin qu'il était encore..."
Ces jouets d'enfant, "un osselet, une balle, une
toupie, des pommes, une roue, un miroir, un flocon de laine",
le jeune Dionysos les aurait trouvés dans une ciste
où les Titans les avaient enfermés pour piquer
sa curiosité. Devenus les symboles de l'initiation dionysiaque,
ils constituaient sans doute le contenu du van mystique et on
peut interpréter leur dispersion sur le dos du jeune initié
comme une évocation symbolique du démembrement
de Dionysos par les Titans. Les jouets placés dans la
ciste mystique commémoraient ceux grâce auxquels
les Titans avaient attiré Dionysos pour le démembrer.
Si l'on ne voit ici qu'un rameau
d'olivier Mais le mythe ne s'arrête pas là et l'on peut interpréter la réunion de ces objets comme figurant la quête des membres épars du Dieu par Apollon : "Là-dessus, Athéna, pour avoir dérobé le cur de Dionysos, fut surnommée Pallas à cause des battements de ce cur ; les Titans, qui l'avaient dépecé, plaçant une marmite sur un trépied, y jetèrent ses membres ; après les avoir bien fait bouillir, il les transpercèrent avec de petites broches et les tinrent au-dessus d'Héphaïstos. Mais peu après Zeus apparut (...) ; il frappa les Titans de son foudre et confia les membres de Dionysos à son fils Apollon pour les ensevelir. Celui-ci, se gardant bien de désobéir à Zeus, les porta sur le Parnasse, où il enterra ce cadavre déchiqueté." (Protreptique, II, 17, 2 et 18, 1-2). La scène de la Villa des
Mystères évoquerait donc le dernier acte du mythe
: le rameau d'olivier qui couronne la prêtresse, différent
de celui des deux assistantes, couronnées de laurier,
en fait le symbole de la déesse Athéna. En rappelant
Apollon qui réunit les restes du Dieu (par le laurier)
et Athéna qui assure sa renaissance en sauvant son coeur
(par l'olivier), le rite funéraire représenté
ici célébrerait la renaissance du héros
et son apothéose. Les gâteaux |
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