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![]() © Photo Patricia Carles ![]() |
On voit ici une scène pastorale
: un
berger et une bergère Que signifie cette scène
? Paul Veyne, dans sa volonté de démythifier l'interprétation
dionysiaque, voit là un épisode du banquet nuptial
: le Silène jouant de la lyre serait, comme la
danseuse et la cantatrice Cette explication profane ne me convainc pas entièrement et je serais tentée d'interprétrer cette scène pastorale comme une représentation de l'enfance de Dionysos. Comme le rappelle Pierre Grimal, le dieu de l'ivresse portait en effet l'épithète rituelle de "chevreau" : pour préserver de la colère de son épouse Héra l'enfant illégitime qu'il avait eu de Sémélé, Zeus, on s'en souvient, l'avait tranformé en chevreau et confié aux nymphes d'un pays lointain, appelé "Nysa". C'est d'ailleurs de ce mot "Nysa", associé au génitif du mot "Zeus" que viendrait son nom de "Dionysos". Le peintre pourrait donc faire allusion aux nymphes de Nysa allaitant l'enfant-dieu. Pourtant, la jeune
fille qui allaite le chevreau, comme son compagnon à la
syrinx, a des oreilles pointues, deux traits emblématiques
de Pan, le dieu-bouc. C'est que Pan aussi intervient dans le
mythe dionysiaque : le Silène
qui joue de la lyre pourrait bien être non pas un
silène, au sens générique, c'est-à-dire
un vieux satyre, mais bien Silène, au sens
propre, le fils de Pan, qui passait lui aussi pour avoir élévé
Dionysos. On peut d'ailleurs rapprocher cette image de la VI°
Eglogue de Virgile : malgré son nez camus, son gros
ventre et son ivresse Reste que, comme
le note Gilles Sauron, ce silène Cette image pastorale ne pourrait
donc se comprendre qu'en relation avec celle qui lui fait pendant
sur le mur central où l'on retrouve le
silène et les deux jeunes bergers Si Paul Veyne admet que le peintre fasse allusion au mythe d'un Dionysos-chevreuil, dieu du lait autant que du vin, il considère néanmoins qu'il ne faut pas donner un sens ésotérique à ce qui n'est que "rêverie poétique", vision bucolique où la fantaisie bachique se mêle à la pastorale : le berger-satyre vient de se dépouiller de sa fourrure de loup, la bergère-ménade garde encore sur les épaules la peau de faon dont les deux pattes se croisent sur la poitrine et tous deux viennent de sacrifier leur chevelure à leur dieu ; ce monde où les hommes et les bêtes, encore mal distingués, fraternisent, où les jeunes bacchantes, comme celles d'Euripide, "portent dans leurs bras une biche ou un louveteau farouche et leur donnent leur lait" évoque un "âge d'or dionysiaque", le monde idyllique, le paradis que va connaître la jeune mariée... |
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