Cette jeune esclave portant un gâteau
prend une signification différente selon qu'on l'isole,
comme le fait Paul Veyne, ou qu'on la rattache à la scène
suivante comme le fait Gilles Sauron. Pour celui-ci, elle porte
un plateau d'offrandes aux "prêtresses"
qui officient dans la scène suivante ; pour celui-là, elle incarne les festivités
matrimoniales : tournée vers des invités invisibles,
dont le spectateur occupe la place, elle leur apporte un gâteau
de sésame coupé en tranches. Car le contenu du
plateau ne fait aucun doute pour Paul Veyne qui remarque que
"découper le sésame" c'était
alors tout simplement se marier : " je voudrais
que ce soit déjà la noce... lit-on dans une
comédie contemporaine de la fresque ; je voudrais offrir
un sacrifice, me couronner et trancher le sésame".
Si le sésame symbolise le mariage, c'est qu'il est "polygonôtatos",
nous dit Ménandre, ses "nombreux rejetons"
sont un gage de fécondité pour le nouveau couple.
Tout concourt en
effet à assurer symboliquement la descendance de la mariée
: la tête ceinte d'une couronne de myrte, la
plante de Vénus , un rameau de myrte dans
la main droite, la servante au plateau porte, avec le sésame,
les deux emblèmes végétaux du mariage :
"manger du sésame et du myrte, comme font les
oiseaux, c'est mener une vie de jeunes mariés", écrit
Aristophane dans Les Oiseaux. Car c'est bien un
rameau et une couronne de myrte, et non de laurier, que l'on
voit ici pour l'auteur des Mystères du Gynécée
: ses feuilles sont "adverses" (elles se
détachent du même point du rameau) et non pas "alternes"
comme celles du laurier avec lesquelles les tenants de l'interprétation
dionysiaque les confondent.
Il n'est pas jusqu'aux
rondeurs de la jeune
esclave qui ne militent en faveur de cette interprétation
: elle est enceinte, affirme Paul Veyne, et c'est un heureux
présage pour le nouveau ménage. Pourtant, rétorque
Gilles Sauron, cette femme n'a pas le ventre rond de la grossesse,
elle semble bien plutôt dissimuler quelque chose dans les
plis de sa jupe, ce qui expliquerait cette curieuse protubérance
qui a fait croire à une erreur du peintre : à n'en
pas douter pour lui, le peintre n'a pas été maladroit,
il a tout simplement montré/caché, selon le principe
général qui régit la composition de la fresque,
les crepundia de l'initiation masculine,
ceux-là mêmes que recueillera dans la ciste
mystique la prêtresse de la
scène suivante... |