On voit ici, à gauche, la
maîtresse de maison
habillée d'un lourd péplos qui rappelle la Grèce
classique : la main droite sur la hanche, serrant son voile de
sa main gauche, elle regarde l'enfant qui est debout devant elle.
C'est un jeune garçon d'environ sept ans, nu et chaussé
de hautes bottes, qui lit un "volumen", un rouleau
de papyrus . Une jeune
femme est assisse derrière
lui ; vêtue d'une tunique et d'un manteau, un "volumen"
dans une main et un fin
stylet dans l'autre,
elle tient l'enfant par l'épaule. A droite, une
jeune esclave s'éloigne
en portant un plateau.
Pour bien des commentateurs,
l'enfant au "volumen" est le dieu Iacchos ou
Iacchus qui conduisait la procession des initiés aux Mystères
d'Eleusis : il serait ici en train de lire le rituel en présence
de deux assistantes, l'une debout, l'autre assise. Il est vrai
que ce
jeune garçon a bien l'attitude d'un
prêtre comme on peut le voir en la comparant au prêtre
d'Isis lisant le rituel du Musée de Naples.
Mais l'identification à Iacchos est hasardeuse car le
dieu est généralement représenté
comme un enfant portant une torche et conduisant la procession
en dansant. Reste que Iacchos est associé au culte dionysiaque
: son nom, qui vient de "Iacche", le cri que
poussaient rituellement les fidèles d'Eleusis, est très
proche de "Bacchos", l'autre nom de Dionysos
et, comme lui, il aurait été démembré
par les Titans sous le nom de Zagreus. Selon Pierre Grimal, Iacchos
"peut être considéré comme l'intermédiaire
entre les divinités éleusiennes et Dionysos".
Mais selon Paul Veyne, cette scène
de lecture, où aucun des personnages ne porte de couronne,
n'a rien de mystique ou de dionysiaque : c'est, comme celle de
la
parure de la jeune fille ,
l'emblème de la distinction sociale de la riche
famille qui a commandé la fresque et, en général,
des "classes de loisir". Car le loisir des anciens
est un loisir cultivé : en cet "âge du livre"
que fut l'époque hellénistique, où domine
une aristocratie de lettrés, il n'est pas surprenant de
voir ce jeune garçon lire ses Classiques avec application
devant sa mère et sa préceptrice tandis que sa
soeur aînée s'occupe de sa coiffure. Ses yeux écarquillés
nous rappellent que la lecture d'Homère ou d'Euripide
était alors devenue aussi difficile que l'est pour nous
aujourd'hui celle des textes médiévaux.
Il y a là, bien sûr,
admet Gilles Sauron, une scène d'apprentissage, une scène
d'éducation ordinaire. Mais il remarque que l'initiation
dionysiaque était réservée à ceux
qui savaient lire ; le peintre aurait donc représenté
la Domina préparant son fils à la lecture des textes
sacrés en vue de l'initiation. Ce faisant, elle rattachait
sa vie domestique au mythe : elle devenait un peu la nymphe Nysa
éducatrice de l'enfant Dionysos. C'est pourquoi l'artiste
pompéien aurait repris le modèle hellénistique
de la toilette de Dionysos par Nysa pour peindre cette scène
de lecture : contre toute attente, la domina est vêtue
d'un péplos, comme la nymphe hellénistique ; comme
Dionysos, l'enfant est nu mais chaussé de hautes bottes. |